«La plus noble conquête que l’homme ait jamais faite est celle de ce fier et fougueux animal qui partage avec lui les fatigues de la guerre et de la gloire des combats; (…) il partage aussi ses plaisirs, à la chasse, aux tournois, à la course, il brille, il étincelle.» Buffon
Mais qu’en est-il de cette conquête? Est-elle naturelle? Comment la rendre plus éthique? Buffon avait-il tort dans sa foudroyante citation ?
Le fait de ne pas être né avec un cavalier sur le dos incite à penser que les chevaux ne sont pas faits pour nous porter. La même logique incite parfois un cavalier à rejeter une méthode, un outil, un harnachement, voir même, le fait même d’être monté! Bien que le cheval n’ait pas été conçu pour porter son cavalier, n’en reste pas moins qu’il est de loin celui du règne animal qui accompli le mieux cette tâche. La nature regorge d’exemple de relations inter-spécifiques et la coopération homme-cheval en fait partie. Cette coopération qui suppose que chacun des protagonistes tire son épingle du jeu. L’histoire quant à elle, retrace les origines de cette relation dans tous les pays et dans toutes les époques, le premier traité connu en Europe, par Xénophon, 350 ans avant Jésus-Christ…
Cette coopération qui est née d’abord d’une relation de prédation, a subi de nombreuses évolutions. Bien que l’hippophagie ait encore court de nos jours, l’industrie du cheval ne consiste pas en sa consommation à des fins alimentaires et nous sommes loin de l’époque où l’homme pourchassait les troupeaux. Si elle avait d’abord des impératifs de déplacement, de guerre, de travaux ou de chasse, la relation prend aujourd’hui des airs artistiques, sportives ou de loisir, qui a donné naissance aux différentes disciplines, traditions et méthodes. Ainsi, le cheval a su garder sa place auprès de l’homme, et les équitations de travail et de nécessité qui existent encore dans certaines régions du monde, cèdent graduellement leurs places à une équitation dont l’objectif principale est le plaisir et l’épanouissement du cavalier, ce que révèle d’ailleurs une étude demandée par les Haras nationaux français. Ces nouveaux objectifs afférents à l’équitation, la rendent-elles moins naturelle ou légitime? Rien ne semble aller en ce sens, bien au contraire…
Le cavalier est aujourd’hui face à une multitude d’équitations. Les classiques, les westerns, les bauchéristes, les adeptes de l’équitation éthologique, les sauteurs, les randonneurs, les artistes, et j’en passe! Certains diront qu’il n’y a plus une équitation, mais bien des équitations. Je préfère dire que l’équitation à de multiples visages, mais peu importe la discipline, la tradition ou la méthode, il s’agit toujours d’un homme souhaitant accomplir quelque chose avec un cheval. Bien qu’il faille aujourd’hui plutôt dire qu’il s’agit d’une femme, car nous savons que ce sont les cavalières qui occupent la plus grande part de l’équitation. Il n’est plus nécessaire d’imposer à son animal l’épuisement, la soif, la faim ou la douleur, épanouissement et plaisir pouvant bien attendre au lendemain.
Les conflits intellectuels nés de l’opposition des différentes méthodes ne datent pas d’hier, pour ne citer que la guerre est ouverte entre les Baucheristes et les d’Auristes dans l’équitation française du 19ième siècle. Lorsque vous croisez une méthode ou un procédé contraire au vôtre, posez vous d’abord la question en quoi, en quelles circonstances, avec quel type de cheval, de quel manière ou à quelle fréquence cette action pourrait être appropriée, plutôt que de la condamner à priori. Vous pourriez, ainsi acquérir une nouvelle carte dans votre jeu. Plus vous aurez d’outils pour résoudre les difficultés, plus vous serez en maîtrise face à des situations inconnues.
Ce qui rendrait aujourd’hui l’équitation illégitime serait de prendre en connaissance de cause, des décisions contraires à l’éthique en regard de l’animal avec lequel nous évoluons. Confronté à toute cette diversité, le cavalier doit réfléchir aux choix de discipline et méthodes qu’il adoptera afin de se libérer des traditions ou des dogmes qui sont nuisibles à la réflexion. Bien qu’elles soient riches de connaissances et que les préceptes de celles-ci doivent être connus, s’en libérer afin de prendre les décisions judicieuses en regard de ce que la connaissance actuelle préconise, est primordial.
Les courants en équitation, les traditions voir même les modes et les méthodes installent les cavaliers dans un confort intellectuel qui rend difficile la remise en question. L’argument de la routine et de l’habitude s’installe. Hors, ces modes d’emploi sont souvent réservés au type de chevaux pour lesquels ils ont été créés.
Un type d’entrainement correspondra à un type de conformation, une telle attitude à un type de tempérament. D’ailleurs, plusieurs ouvrages débutent par un chapitre concernant le choix du cheval dans sa conformation et son tempérament, des auteurs y consacrant même un ouvrage entier, comme c’est le cas pour Claude Lux avec son ouvrage intitulé « Bien choisir son cheval ».
Comment concilier le fait que les cavaliers choisissent une discipline, pour ensuite choisir dans le meilleur des cas, ou se voir imposer un cheval en fonction de sa robe, sa situation géographique, son prix, son historique, voir même, parce que le soleil à cligné des yeux au moment cruciale de la rencontre avec le dit animal?
Le couple devra alors se dessiner en priorisant l’équilibre du couple cheval-cavalier, ce qui implique bien entendu, de mettre le bien-être physique et mental des deux compagnons au premier plan. Encore faut-il en connaître les critères et bien analyser la situation de départ pour comprendre le chemin qui nous attend. Ces aptitudes a la réflexion viendront aussi appuyer le cavalier chanceux d’avoir bien choisi sa monture, au moment ou cette dernière lui révèlera ses petits travers si bien cachés jusqu’alors. Ces bases sûres assureront une progression vers des sommets qui semblent à priori inaccessible.
« Le cavalier qui peut réussir est celui qui étudie son cheval, qui lui donne un enseignement basé sur une compréhension mutuelle (…). Pour arriver à un niveau équestre élevé, il est nécessaire d’avoir de sérieuses connaissances techniques. » N. Oliveira
La connaissance et sa mise en œuvre est ce qui permettra au couple cheval cavalier de rester dans la coopération plutôt que d’entrer dans une relation de parasitage, d’un sens ou dans l’autre. Elle permettra aussi au cavalier de rapprocher la durée de vie utile et réelle du cheval, ce qui ira dans le sens de son bien-être, si peu de gens ayant les moyens financiers d’offrir à son compagnon une retraite dorée sans pour autant mettre fin à leur épanouissement sportif en équitation.
L’équitation devient alors quelque chose de naturelle, ni bien ni mal. À nous maintenant de développer notre jugement et notre connaissance en la matière afin que notre pratique reste du bon coté de la force! Pour ce faire, au menu, mécanique équestre, éthologie, littérature et … beaucoup de patience!
« Ce qu’il faut surtout, c’est monter beaucoup, tout en ne laissant pas les livres se couvrir de poussière sur les étagères. » N. Oliveira
Source
- « Bien choisir son cheval », Claude Lux, Éditions Maloine
- « Œuvres complètes », Nuno Oliveira, Belin
- « Cheval chevaux, L’équitation, une passion puérile? » Christian Delâge et Claire Veillères, réadcteur en chef : Jean-Louis Gouraud
- « S’épanouir à cheval équitation et développement personnel », Bernard Chiris et Monica Barbier, Belin
- « Pratique de l’équitation d’après les maîtres français », Étienne Saurel, Flammarion
- « L’équitation de légèreté par l’éthologie » Stéphane Bigo, Vigot
- « Histoire de l’équitation » Étienne Saurel