Les causes du manque de préparation
Le manque de préparation est malheureusement trop fréquent. Il vous empêchera de profiter pleinement de la relation avec votre cheval et pourrait vous amenez de grandes déceptions. Outre l’aspect éthique, cette négligence engendrera à coup sûr des inconforts, voir des souffrances physiques et mentales à votre compagnon de sport ou de loisir.
Avant de vous proposer des solutions, explorons-en les causes.
L’ennui
Trop souvent, en raison d’un manque de connaissances ou de créativité, la préparation est perçue comme étant fastidieuse, répétitive, bref, comme un mal nécessaire. L’ennui est trop souvent la justification numéro un au manque de préparation. Qui n’a jamais entendu : Le plat c’est plate! Hors, il existe un très grand nombre d’exercices qui permettent de ne jamais faire la même chose. Faites le calcul grosso modo: 3 allures, 10 figures de manège possibles, 10 mouvements latéraux différents, les transitions ascendantes, descendantes et les combinaisons de mouvements… Il y a de quoi ne jamais faire deux fois la même routine. Et si au final cela vous ennuie toujours, apprenez à faire des compromis. Cet apprentissage vous sera utile toute la vie.
Le manque de temps
Ne disposant souvent que de trop peu de temps, les cavaliers souhaitent pratiquer leur discipline, faire des parcours de saut ou des reprises de dressage en série. Une monte par semaine ne permet certainement pas de donner à son cheval une préparation adéquate, la discipline pratiquée prend fréquemment toute la place. Confier son cheval à un entraîneur peut être couteux. Le temps presse aussi quand nous souhaitons inscrire notre jeune cheval dans les différentes classes de jeunes chevaux ou de futurités. Hors, l’existence même de ces classes montées devraient être remise en cause. Un trop grand empressement à performer avec notre jeune cheval viendra significativement raccourcir sa carrière. Hors les meilleurs années arrivent durant la seconde moitié de sa vie, là où complicité et la confiance sont à leur paroxysme. Prendre le temps de bien préparer son cheval vous fera, en réalité, gagner du temps, lentement mais sûrement. Vous réduirez donc les risques reliés aux blessures, un long arrêt de travail est tout sauf une économie de temps. Développer une musculature appropriée demande peut-être du temps, mais une blessure due au manque de préparation arrêtera peut-être simplement le chronomètre à tout jamais. Le cheval est une créature fragile par nature et encore plus lorsqu’il doit supporter le poids et les ambitions d’un cavalier. Une bonne préparation vous permettra d’avoir avec votre cheval, une vie et une carrière plus longues et surtout plus harmonieuses.
Mécanique du X+1: Quand l’équilibre naturel ne suffit plus
Le corps du cheval est, au mieux, conçu pour porter son propre poids. Il peut effectuer, sans se blesser, une multitude de mouvements et saura spontanément développer l’équilibre requis pour y arriver. Le cheval est le roi de l’équilibre, c’est son principal moyen pour survivre. Il effectuera les mouvements plus complexes si la situation le demande: Pourquoi par exemple passer par-dessus un tronc si on peut le contourner? Il fournira tout juste l’effort nécessaire pour effectuer le mouvement. Or, la présence du cavalier sur son dos vient rompre cet équilibre. La surcharge des antérieurs est amplifiées, le patron d’extension est stimulé. Les structures indéformables, permettant au cheval de se déplacer sans trop grande dépense énergétique ne pourra générer le même équilibre une fois le cheval monté, n’ayant pas été conçues pour cette surcharge de l’avant main. Une fois le cheval monté, il devra toujours effectuer un mouvement avec un niveau d’équilibre qui est supérieur à celui qu’il fournirait sans cavalier. C’est le X+1. À cela, il faut mentionner que la plupart des disciplines demandent au cheval une grande mobilité en toutes circonstances. Le niveau de rassembler maintenu en permanence sera généralement beaucoup plus grands que celui requis par le mouvement, le cavalier sachant bien vers quel mouvement supérieur il se dirige, ou encore, voulant simplement exhiber une allure fortement rassemblée. Le cheval ne comprends pas pourquoi et n’aura jamais l’idée de faire une ligne droite au trot rassemblé. Il ne sait pas non plus, les conséquences que peut représenter sur son corps le fait d’être monté. Une fois que le cheval aura pu sentir l’équilibre sous la selle, il sera plus enclin a le reproduire en raison du confort physique et psychologique qu’il génère.
Anachronie du corps du cheval
Ce n’est pas, à proprement dit, une cause du manque de préparation, mais le constat que nous partons de plus loin. Bien qu’il possède naturellement les ‘’programmes’’ pour tous les mouvements, l’expérience et ses aptitudes physiques le rendront plus enclin à effectuer certains d’entre eux. Les chevaux modernes n’ayant plus accès à un univers tridimensionnel qui inclut des montagnes, des forêts, des rivières, mais aussi, de la séduction, de la fuite et du combat, leur équilibre naturel est beaucoup moins performant. Les chevaux que nous prenons en entraînement ne sont plus issus du travail ou de la guerre. Une grande partie de la littérature équestre a été écrite par des cavaliers ayant accès à des chevaux ayant, a priori, une bien meilleure condition physique que nos chevaux actuels, du fait qu’ils étaient souvent à l’origine des chevaux ayant une fonction de travail. Ces derniers arrivaient avec une masse musculaire déjà bien développée, un système cardio vasculaire hyper performant. Rien à voir avec nos ‘’horse pets’’, qui porte un habit de neige assorti à leur licol pour aller jouer dehors avec leurs copains, et là je ne parle même pas de ses protections aux pattes! Leur condition physique n’est pas celle des chevaux dont il est question dans une grande partie de la littérature, où l’écuyer enseignait à un cheval dont les capacités physiques étaient déjà très développées.
Comprendre la biomécanique pour mieux préparer
Lors du travail en selle, le cheval doit travailler en patron de flexion. La chaîne musculaire ventrale doit être mobilisée afin que la colonne maintienne une posture qui la protège. Ce patron de flexion le placera aussi dans un état psychologique propice à l’apprentissage en activant plutôt le système nerveux parasympathique. Pour le cheval, mobiliser sa chaîne ventrale sert à brouter ou à se coucher. Hors, l’émotivité, le poids du cavalier, la léthargie engendrée par la fatigue et la monotonie de la tâche ou l’inconfort d’une selle mal ajustée sont autant de facteurs qui altère le patron de flexion du cheval. Celui-ci doit apprendre à mobiliser sa chaîne ventrale davantage dans l’ensemble de ses mouvements, ce qu’il ne ferait pas à priori.
Le travail en selle a aussi la particularité de requérir du cheval qu’il utilise ses postérieurs pour générer le mouvement des membres et que celui-ci soit relayé par la chaîne musculaire dorsale. Or, si celle-ci n’est plus disponible pour le faire, cette tâche sera relayée aux muscles responsables de la protraction et rétraction des membres ainsi qu’à leurs structures indéformables. La chaîne dorsale peut être rendue indisponible par une tétanie en raison d’une charge de travail trop grande, par un inconfort relié à la selle, et par un relâchement relié à une hyperflexion. L’usage des postérieurs nécessite aussi une mobilisation de la ligne du dessous, sans quoi les articulations hautes des postérieurs ne pourront faire leur travail.
LE PATRON D’EXTENSION : Naturellement, le cheval mobilise d’avantage sa chaîne dorsale que ventrale. Il mobilisera sa chaîne ventrale au moment de se coucher ou de manger au sol. Sans le poids supplémentaire du cavalier, la colonne n’en sera pas affecté, le corps du cheval étant à même de supporter son propre poids.
LE FAUX RASSEMBLER : La flexion des extrémités ne constitue pas un patron de flexion. Si la chaîne ventrale n’est pas mobilisée dans son ensemble, la colonne ne pourra être protégée.
LE PATRON DE FLEXION : La chaîne ventrale est mobilisée. La colonne dans une attitude générale de flexion est une arche qui porte le poids du cheval et du cavalier. Les postérieurs s’engagent et tendent le ligament supra-épineux. L’encolure longue qui se ramène tend le ligament nuchal et tire sur le garrot. La chaîne ventrale porte le poids du tronc du cheval et celui du cavalier. La chaîne musculaire dorsale est libérée du poids et peut assurer le mouvement des allures, et éventuellement, le poids du balancier tête encolure. Le relèvement du balancier tête encolure pourra alors reculer le centre de gravité et augmenter la mobilité, donc rassemblera le cheval.
Naturellement, le cheval utilise sa colonne selon un patron d’extension. C’est la ligne dorsale qui est davantage mobilisée en raison de toutes les responsabilités qui lui incombe. Or, redisons-le, il doit travailler dans un patron de flexion dans le cadre du travail en selle, unique attitude lui permettant de protéger son corps de la charge supplémentaire générée par le cavalier, la chaîne dorsale devant apprendre à bouger en longueur afin de permettre ce patron de flexion. Il doit utiliser sa chaîne ventrale afin de porter les poids combinés de son tronc et du cavalier. Un trotteur, par exemple, avec son équilibre musculaire, aura une chaîne dorsale forte et tendue. Les ibériques seront plus enclins à piaffer et les trotteurs à allonger leur foulée. C’est le postérieur du cheval qui doit générer le mouvement des allures à travers la colonne et le geste des membres qui s’y rattachent. Naturellement, la chaîne ventrale se mobilise au moment du coucher ou pour se mettre en position pour brouter et non dans le cadre de l’équilibre naturel transcendant (Équilibre du cheval monté – Dominique Ollivier), équilibre le plus proche de celui du rassembler, pour le jeu, la séduction ou le combat par exemple. Le rassembler se situe à la jonction de ces deux attitudes.
Usage de son corps
La nécessité de la préparation se justifie dans l’usage que le cheval doit faire de son corps dans le cadre du travail en en selle qui diffère en plusieurs points de celui qu’il fait à l’état de nature. Même si le cheval a été sélectionné et croisé pour performer dans une discipline spécifique, son corps n’en est pas pour autant prêt au travail, il ne sait pas jouer des avantages dont la nature l’a dotés dans le cadre du travail en selle. On comprend l’importance de la préparation maintenant que nous connaissons les différences reliées à la locomotion du cheval monté par rapport au cheval libre. Si le cheval élevé pour le sport doit apprendre à manier ses outils, le cheval de loisir devra, quant à lui, les construire avant de pouvoir en faire usage. La conformation donnera au cheval un équilibre musculaire le prédisposant plus facilement à faire tel ou tel mouvement, dans une attitude ou une autre. Mais ce mouvement ne sera pas nécessairement effectué dans un équilibre propre à la selle.
Conclusion
Nous venons donc de voir pourquoi la préparation du cheval est parfois mal comprise et mise au second plan. L’aspect répétitif, notre rythme de vie effréné, mais surtout, une grande complexité du corp du cheval, sont autant de raisons pour lesquelles nous prenons certains raccourcis pour arriver à nos fins, que ce soit en saut, en dressage ou dans toutes autres disciplines. Mais cela ne doit pas nous empêcher de plonger un peu plus dans la compréhension du fonctionnement biomécanique et psychologique de notre cheval. En plus d’avoir une complicité avec lui, comprendre comment il utilise son corps et ce que cela produit dans son comportement, rend notre pratique de l’équitation encore plus exaltante. Cela vient magnifiquement enrichir notre passion du cheval!
Dans la troisième partie de cet article (à venir), je vous proposerai des solutions concrètes incluant des exemples d’exercices afin que vous soyez plus à même de mieux préparer votre cheval.