Du cheval au naturel vers le cheval monté et domestiqué
- La vie sauvage
- Ses besoins
- La vie domestique
- Sa locomotion naturelle et en quoi est-elle inconciliable avec le travail de portage.
Il était une fois, un cheval qui avait de bien grandes chaussures à chausser. Au quotidien, il devait bien se tenir, être patient et attendre gentiment l’heure du goûter. Il devait accepter sans chigner, le copain de paddock assigné, le voisin de fenêtre de boxe qui essaie de voler sa part de croquette et le dérangé, qui a été élevé au boxe et qui ne sait pas faire respecter la moindre règle de politesse au moment de se croiser dans la toute petite allée. Après sa courte sortie quotidienne, il devenait le confident, le meilleur ami, l’alter ego de son merveilleux propriétaire. Nom étrange d’ailleurs, parce qu’on ne savait pas trop en fait qui appartenait à qui…
Mais le petit cheval aimait tant son propriétaire qui se dévouait pour payer la pension. Les poches remplies de croquettes, toujours prêt a faire un câlin, prêt à
pardonner toutes les bêtises du cheval parce que trop content d’être à ses côtés, le propriétaire venait sur son dos pour y déposer, ses soucis, ses joies ses peines, ses angoisses voir même ses ambitions, pour ensuite redescendre le cœur léger, rempli d’accomplissements de toute sorte. S’ensuivait une longue séance de pansage et de croquettes gratuites à celui qui lui avait permis d’accomplir sa performance artistique. Le petit cheval de grand prix, ou non, après avoir tourné ou, avec un peu de chance, zigzagué pendant une heure, regagnait son boxe, le cœur rempli de ses exploits… Pas le temps de rêver de la vie sauvage de ses ancêtres ou de perdre de précieuses heures dans son slow feeder, à peine retourné au boxe, le petit cheval étudiait secrètement les règles de l’ergonomie du travail de portage pour poney afin de maximiser ses performances sportives ou artistiques tout en minimisant l’impact du travail de portage sur son corps. Un cheval performant et en bonne santé longtemps, voila tout, plaire au propriétaire et à l’entraîneur. PAS QUESTION de se retrouver sur les petites annonces …
La vie sauvage:
Il a bien évolué ce petit cheval depuis ces temps anciens ou il fuyait l’homme qui le chassait, mais le portrait proposé ici dépasse bien sûr la réalité. Quel est donc la réalité d’un cheval vivant à l’état naturel? La vie en groupe, la nourriture et l’eau abondante et libre d’accès, les grands déplacements au sein du territoire et l’état de vigilance plus ou moins permanent au sein du groupe, voici ce qui caractérise la vie à l’état de nature.
« Souvenons-nous de la façon dont le cheval occupe son temps dans la nature : treize ou quatorze heures à manger, deux ou trois heures à rester vigilant, attentif à l’environnement ou en alerte, deux heures encore à se déplacer d’un endroit à un autre, pour aller s’abreuver à un point d’eau, pour se rendre d’une aire de pâturage à une zone propice au repos… et finalement, cinq à six heures seulement à somnoler ou à dormir. Et tout cela sans jamais vraiment s’éloigner du reste de la harde! » (1)
Ses Besoins:
Peu de conflits, car la nourriture est accessible pour chacun au même moment, sous ses pieds, et le point d’eau généralement mieux accessibles qu’une buvette. La dominance se résume généralement aux comportements sexuels, sociaux. Il n’est pas nécessaire d’être constamment en alerte car la garde est assurée à tour de rôle, chacun peut dormir tranquille le moment venu. L’appareil digestif reste en santé par une alimentation longue et lente, un déplacement et un exercice régulier. Cette activité régulière diminue le stress et permet au cheval de maintenir ses aptitudes au mouvement. La vieille jument sait quand il faut fuir ou non, quand il faut avoir peur, aller boire ou se mettre à l’abri. Le compagnon est toujours là pour aider à enlever la mouche du visage ou pour gratter le garrot pour se détendre. Pas de soucis avec les parasites, tout le monde sait qu’il ne faut pas brouter la section WC. Par contre, une blessure peut rapidement devenir une catastrophe et une boiterie identifie rapidement l’individu comme une proie potentielle. Et je ne vous parle pas du danger que représentent les prédateurs… Ainsi, la vie à l’état naturelle est-elle la palme pour le cheval? Serait-elle déjà seulement envisageable dans les pays nordiques?
La vie domestique:
6000 ou 7000 ans de domestication ont bien sûr influé sur la nature du cheval. Même s’il a bien changé par rapport à ses ancêtres, plusieurs de ses besoins et comportements subsistent et doivent être pris en considération dans le cadre de l’équitation, « le comportement de quelque espèce que ce soit ne peut être convenablement compris, prédit ou contrôlé sans la connaissance de ses schèmes instinctifs, de l’histoire de son évolution et de sa niche écologique. »(2) Dans le cadre du travail avec son cavalier, le cheval doit apprendre à mettre de côté certains traits impropres à la tâche demandée pour être disponible pour son entraîneur ou cavalier. Les besoins du cavalier deviendront momentanément prioritaires, ce qui est en quelque sorte une dominance du cavalier sur son cheval. Quelle est la nature des besoins et comportements que le cheval doit savoir inhiber?
Le cheval est un animal de fuite, de plaine et de harde. Ce sont trois caractéristiques primordiales qui devront être pris en considération dans l’interprétation des comportements appropriés ou non. Dans le cadre du travail monté, il devra apprendre à contrôler ses mouvements et inhiber les comportements de fuite. Ses besoins alimentaires devront être mis de côté pendant le travail en selle, en échange, le cavalier devra y avoir répondu de manière adéquate afin de protéger son système digestif et diminuer la frustration relative à l’alimentation. Finalement, ses besoins sociaux devront avoir été satisfaits auprès de ses pairs ou auprès de son cavalier afin qu’il puisse se concentrer sur sa tâche au moment d’être entraîné, seul ou en groupe. L’écurie et la vie quotidienne devront être pensées et aménagées pour réduire les frustrations du cheval et éviter ainsi les comportements inappropriés.
Sa locomotion naturelle et en quoi est-elle inconciliable avec le travail de portage:
Le travail devra être organisé de manière à minimiser les désagréments et protéger le cheval des douleurs qu’il pourrait engendrer. Les principes d’apprentissage devront être maîtrisés par le cavalier-entraîneur afin d’apprendre au cheval à répondre au stimulus le plus léger possible, à l’effleurement du pantalon qu’ils disaient… Les apprentissages devront être progressifs et structurés pour respecter les capacités cognitives et physiques du cheval à l’entraînement. Toutes les mesures possibles doivent être prises afin que l’équipement soit bien adapté et que le cheval reçoive les soins appropriés, esprit sain dans un corps sain! Le cavalier devra avoir une connaissance approfondie de la biomécanique du cheval afin de comprendre comment il doit utiliser son corps afin de minimiser l’impact physique du travail sur son cheval, et ainsi rapprocher l’espérance de vie utile du cheval avec son espérance de vie réelle. Un cheval utile pour son cavalier est un cheval qui verra sa survie et sa sécurité assurées par son cavalier, et peut-être même se verra-t-il offert une retraite dorée pour ses jolies années de service.
Sources:
- (1)Le cheval, Michel Antoine Leblanc, Les éditions de l’Homme.
- (2)Comment pensent les chevaux, Michel Antoine Leblanc, Belin.
- Breland, K. et Breland, M. The misbehavior of organism, American Psychologist.
- Cheval Qui es-tu?, Michel-Antoine Leblanc, Marie-France Bouissou et Frédéric Chéhu, Belin.
- Le comportement des chevaux, Martha Kiley- Worthinton, Zulma – équitation autrement.
- Horse behavior explained , Margit H. Zeitler-Feicht, Trafalgar Square